Les Journées d’Echanges Techniques des Gardes ont eu lieu à Marchiennes, dans le Parc naturel régional Scarpe-Escaut, du 26 au 28 octobre 2018. Une vingtaine de Gardes ont fait le déplacement pour ce traditionnel temps fort de l’association.

Ces journées ont débuté par le repas des Gardes, le vendredi soir au gîte de groupe. Cette première soirée, riche en échanges et retrouvailles a été l’occasion de présenter le territoire du Parc en prévision des visites de terrain prévues les jours suivants.

Visite de la Réserve Naturelle de la Tourbière de Vred

Le samedi matin, les Gardes avaient rendez-vous sur la réserve de la Tourbière de Vred. Yann Dulondel, gestionnaire de la Réserve et coordinateur de l’équipe technique du Parc a guidé le groupe au travers du site.

Il constitue l’une des trois dernières tourbières alcalines (pH neutre) régionales encore actives. C’est une zone humide continentale d’une
superficie de 41 hectares qui s’inscrit dans le système alluvial de la basse Scarpe (près de 40 000 ha) et où la tourbe continue de se constituer. La variété des milieux (bois, étangs, roselières…) accueille une diversité de vie animale et végétale étonnante. On y recense par exemple la Grande douve (protégée au niveau national), une espèce de plante carnivore (l’Utriculaire commune), une espèce de mousse très rare pour laquelle le site constitue la quatrième station nationale (Sphagnum riparium) et d’autres espèces plus occasionnelles comme la Leucorrhine à gros thorax (Libellulidae).

La tourbe y fut exploitée dès le XIIIe siècle et jusqu’à la fin du XVIIIe siècle pour se chauffer. Suite à la découverte du charbon, cette activité fut supplantée par la fauche et par des pratiques maraîchères favorisées par la mise en place d’un important réseau de drainage subsistant encore en partie aujourd’hui. Ainsi, de nombreux fossés, plus ou moins atterris, jalonnent l’ensemble de la réserve. Le réseau de fossés dessiné en arêtes de poisson et encore bien visible dans la partie ouest du site, témoigne encore des travaux de drainage réalisés par les moines. Les boisements périphériques ainsi que le tissu bâti contigu au site confirment l’omniprésence de l’homme dans cet espace naturel.

Le Parc Naturel Régional Scarpe Escaut met en œuvre et coordonne l’ensemble des activités sur ce site protégé. Il assure la gestion-conservation du site : suivi des niveaux d’eau, gestion de prairies par fauche et pâturage, travaux de restauration des roselières, inventaires et suivis d’espèces patrimoniales etc.
On y recense :

  • près de 300 espèces végétales (dont 18 protégées) comme la Grande Douve (Ranunculus lingua), l’Ache Rampante (Apium Repens), la Fougère des marais (Thelypteris palustris), la Gesse des marais (Lathyro palustris)…
  • plus de 170 espèces de champignons (dont 15 uniques dans la région),
  • 98 espèces d’araignées et de faucheurs (arachnides et opilions),
  • 16 espèces de libellules (odonates),
  • 7 espèces d’amphibiens (dont une espèce exceptionnelle : la Grenouille des champs (Rana Arvalis) et le Triton alpestre (Triturus alpetris)…
  • 98 espèces d’oiseaux : la Gorgebleue à miroir (Luscinia svecica), le Busard des roseaux (Circus aeruginosus)…

Après un pique-nique à la maison des Gardes des Espaces Naturels Sensibles du Nord, les agents ont été guidés par Léa Lemaire, Gardes ENS, sur le terril des Argales, situé sur la commune de Rieulay.

Visite du de l’Espace Naturel Sensible du Terril des Argales

D’un point de vue historique, ces montagnes noires du Nord de la France appelées «terril» ont vu le jour suite aux nombreuses exploitations minières de charbon qui se sont développées au milieu du XVIIIème siècle après la découverte d’une veine de charbon mesurant plus de 120km de long sur 12km de large dans la région Nord-Pas-de- Calais. Les terrils étaient durant cette période des zones de stockage de déchets de mine constituées principalement de roches stériles : schiste noir, schiste rouge, grès, calcaire etc. Situé sur le territoire du Parc Naturel Régional Scarpe Escaut, le terril n°144 à Rieulay et Pecquencourt pris forme en 1912. Après 63 ans d’exploitation, les fosses furent fermées mais l’activité économique sur le terril ne cessa elle qu’en 2003. En effet, le terril des Argales a été ré-exploité pour récupérer les résidus de charbon et utiliser le schiste rouge. Par ailleurs, le terril par son poids impressionnant s’était enfoncé dans le sol spongieux et cette lourde ré-exploitation a entre autres modifications de reliefs, laissé apparaître un étang de 35 Ha.

Le site a été acquis pour grande partie et progressivement par le Département du Nord, au titre des Espaces Naturels Sensibles (ENS). Le Département mena une forte politique environnementale sur ce terril plat qui est l’un des plus vastes en région pour entamer sa reconversion avec l’impulsion de Monsieur Mio, ancien maire de Rieulay et l’aide de l’EPF (Établissement Publique Foncier) Nord-Pas-de- Calais. Le terril dénommé désormais Terril des Argales, ce qui signifie « marais », est associé à la Roselière des Fiantons, ENS jouxtant celui-ci et témoin du terrain originel avant l’établissement de cette montagne de cailloux. Le site s’étend sur près de 140 ha dont 82,7 ha appartiennent au Département. La partie appartenant à la commune de Rieulay est devenu base de loisirs dédiée à la population locale.

Aujourd’hui ce site semi-naturel est classé à plusieurs titres : Loi Paysage 1930, ENS, ZNIEFF Type I & Type II, Natura 2000, Vallée de la Scarpe et de l’Escaut et Patrimoine Mondial de l’UNESCO.

En termes de gestion, le site accueillant plus de 200 000 visiteurs à l’année et de nombreux usagers réguliers, l’entretien des cheminements y est une priorité. Les noues sont régulièrement curées afin de contenir les flux d’eaux pluviales pour limiter un maximum le phénomène d’érosion des chemins. Le pâturage caprin associé ponctuellement à la fauche exportatrice et la taille des ligneux sont appliqués sur l’ensemble des zones ouvertes du site selon différentes modalités afin d’éviter que le terril ne se boise entièrement. Ces actions permettent notamment la conservation des pelouses bryolichéniques et des milieux steppiques. Les mares bien que souvent pionnières et temporaires sont surveillées pour éviter l’envahissement par les Typhas et les ligneux. La lutte contre les Espèces Exotiques Envahissantes retient également une bonne partie de l’attention (Buddléia, Renouée du Japon…).

Cette gestion écologique, souvent associée à des chantiers d’insertion ou des chantiers-nature avec un public scolaire ou bénévole adulte, est assurée par l’équipe des gardes départementaux du secteur du Douaisis au sein du service Espaces Naturels Sensibles de la Direction de l’Environnement du Département du Nord. Elle est constituée d’un chef d’équipe : Jérémy Géneau et de Gardes : Fabien Froment, Léa Lemaire, Julien Leroy, Benjamin Mathis, Frédéric Rivet, Nicolas Rouzé.

Ils ont pour missions l’entretien, la gestion, le suivi scientifique, l’animation et le contact avec le public et la surveillance qui a pour but de réguler au mieux les différents conflits d’usage comme les véhicules deux roues motorisées interdits sur le site, les VTT, marcheurs, baigneurs sortis des zones autorisées…

D’un point de vu écologique, les terrils présentent aujourd’hui des caractéristiques écologiques uniques de par cette composition minérale particulière. On y trouve dès lors les premières étapes de colonisation végétale et diverses espèces pionnières
auxquelles viennent plus tard s’ajouter une faune et une flore particulière en raison de l’acidité des sols, des terrains meubles et instables ainsi que des microclimats bien marqués. Les températures sont anormalement élevées pour leur zone géographique en raison de la couleur noire du substrat qui accumule la chaleur. Ils sont également pour la région d’une importance paysagère et culturelle mais constituent surtout un véritable réservoir de biodiversité pour ce territoire fortement urbanisé et industrialisé.

Concernant le terril des Argales, quelques inventaires ont permis d’appuyer tout cela grâce à la découverte de différentes espèces :

  • Flore : La présence de 382 taxons de plantes supérieures dont 1 espèce protégée nationalement, 20 régionalement, 1 espèce est « Gravement menacée d’extinction », 2 espèces ont un statut « menacée d’extinction », 60 espèces sont considérées comme d’intérêt patrimonial en Nord Pas-de- Calais.
  • Faune : 28 espèces d’odonates ont été contactées sur le site dont 5 sont patrimoniales.
    • 15 espèces d’orthoptères ont été observées sur le site dont 4 espèces sont patrimoniales.
    • 7 espèces d’amphibiens sont connues sur le site parmi elles, une espèce est considérée comme patrimoniale, il s’agit du Bufo calamita/Crapaud Calamite
    • 4 espèces de reptiles sont présentes sur le site, 2 d’entre elles sont patrimoniales
    • 146 espèces d’oiseaux sont connues sur le site parmi elles des espèces en annexe I de la Directive Oiseaux (22 espèces dont 6 nicheuses), 18 de passage et 1 hivernante
    • 9 espèces de mammifères sont connues.

Pour conclure, les terrils étaient au départ de leur histoire de véritables catastrophes écologiques, destructeurs de vastes zones humides. Mais au fur et à mesure du temps, les gestionnaires de site et associations naturalistes ont permis de démontrer que les terrils abritent pour les groupes recensés, un fort pourcentage de la biodiversité régionale.

De retour au gîte en milieu d’après-midi, les Gardes ont été accueillis par Jean-Marc Dujardin, Conseiller Régional et membre du Bureau du PNRSE, Séverine Frackowiak, Adjointe à l’Environnement à la ville de Marchiennes et Bernadette Dehaene, Conseillère Municipale et déléguée au Parc naturel régional Scarpe- Escaut. Après un pot de bienvenue offert par le Parc, les Gardes ont procédé à leur assemblée générale dont le procès-verbal se trouve ci-dessous. La journée s’est terminée par le potlatch, toujours aussi généreux et riche en échanges.

Visite de la Réserve Naturelle du Pré des Nonettes

Le lendemain, dans un vent glacial et revigorant, Yves Dugauquier, gestionnaire et référent du site, a guidé le groupe sur la Réserve du Pré des Nonnettes.

Ce site représente une des dernières prairies de fauche traditionnelles du territoire. Située sur la commune de Marchiennes, au cœur du marais du Vivier qui s’étend sur un peu plus de 400 ha et où se mêlent marais, étangs, prairies humides et boisements, la Réserve Naturelle Régionale du Pré des Nonnettes renferme, sur une surface assez modeste (17 ha) une biodiversité étonnante. Le maintien d’une activité agricole traditionnelle associé à la mise en place d’une gestion conservatoire et d’une chasse raisonnée a favorisé l’existence d’une grande diversité d’habitats naturels à l’origine de la présence de nombreuses espèces végétales et animales d’intérêt patrimonial. Son caractère humide favorisé par une topographie basse et sans relief marqué, permet à de nombreuses espèces inféodées aux zones humides telles que les amphibiens, les libellules ou encore certaines espèces d’oiseaux dites « paludicoles » de trouver l’ensemble des éléments nécessaires à leur reproduction.


Les prairies humides, souvent associées à des réseaux de fossés et à des alignements d’arbres têtards, constituent une composante majeure de l’identité paysagère et historique du Parc naturel régional Scarpe-Escaut. Limitant les inondations par le stockage naturel de l’eau, elles abritent une diversité biologique remarquable lorsque l’usage agricole est respectueux des ressources naturelles. Ainsi, la partie basse de la Réserve appelée « marais du Vivier », inondée plus longuement au cours du printemps, sert de frayère pour certaines espèces de poissons comme le Brochet (Esox lucius) espèce considéré comme « vulnérable » sur la dernière liste rouge des espèces menacées en France.

Le Parc naturel régional Scarpe-Escaut met en œuvre et coordonne l’ensemble des activités sur ce site protégé. Il coordonne les relations et les actions de gestion entre l’association de chasse, les associations de protection de la nature chargées de certains suivis naturalistes, l’agriculteur occupant une partie des prairies gérées par fauche tardive et les représentants de la commune.
On y recense :

  • 15 espèces végétales protégées au niveau régional
  • 25 espèces d’odonates
  • 7 espèces d’orthoptères
  • 16 espèces de mollusques aquatiques et 10 espèces de mollusques terrestres
  • 71 espèces de coléoptères
  • 6 espèces d’amphibiens
  • une centaine d’espèces d’oiseaux, dont une moitié nicheuse
  • 12 espèces de mammifères
  • 17 espèces de papillons de jour

Suite à cette dernière sortie, les Gardes ont pu partager un dernier repas avant de repartir vers leurs territoires respectifs. Les membres du Conseil d’Administration sont restés pour se réunir et définir la feuille de route des prochains mois.