Chef de secteur au Parc national de Port-Cros

Où travaillez-vous ?

Je travaille au Parc national de Port-Cros et plus exactement sur l’île de Port-Cros.

Quelles sont vos principales missions ?

Mes missions sont pour une grande part celles attachées aux techniciens de l’environnement : la surveillance du territoire, en mer et à terre et notamment la police de la protection de la nature, la police de la navigation et de la pêche en mer; l’accueil du public scolaire en effectuant des accompagnements sur le terrain ; la mise en œuvre de protocoles de suivis des espèces comme par exemple le comptage des poissons, la prospection et l’écoute des cétacés au large des îles de Port- Cros et du Levant ; l’aménagement environnemental par la pose de ganivelles pour préserver des habitats ou des espèces sensibles comme le kakilé ou le lys des mer et par la pose de lignes d’eau pour préserver les fonds marins riches en posidonies ; la gestion d’une équipe de 11 agents permanents et 8 à 10 contractuels saisonniers.

La seconde partie de mes missions compte celles liées à la particularité
de travailler sur une île isolée et démunie de tout service public autre
que le Parc national : je dirige une équipe d’agents portuaires qui gèrent
le port qui compte près de 200 postes d’amarrage et qui est l’entrée du
cœur du Parc national, je participe avec mes collègues aux secours en mer et à terre car nous sommes formés au titre de sapeurs pompiers volontaires pour une partie de l’équipe, je gère les conflits d’usage du Domaine Public portuaire (les terrasses des restaurants, le stationnement de déchets…), j’essaie de maintenir le caractère des lieux qui exige le calme, en contrôlant les niveaux sonores des bars-restaurants… et des clients alcoolisés.

Quel est votre cursus/expérience ?

Depuis l’âge de 8 ou 10 ans, en regardant les séries télévisées de Daktari ou Flipper le dauphin (les moins de 30 ans rechercheront sur internet…), j’ai très vite compris que je voulais travailler dans la nature et la protéger. Les émissions de Christian Zuber (Caméra au poing) m’ont confirmé cette passion. Dans les années 80′ les orientations scolaires n’étant pas aussi performantes qu’aujourd’hui, je me suis retrouvé à suivre un cursus agricole. J’ai donc obtenu un bac puis un BTS agricole. J’ai alors travaillé comme berger et ouvrier dans des fermes de l’Aube, en Normandie et dans le Lot avant de devenir enseignant en collège agricole privé. Après trois années à essayer de vendre des assurances j’ai retrouvé un travail en rapport avec ma formation initiale en étant conseiller agricole en coopérative dans la Loire. Enfin, en 1991 j’ai réussi le concours d’entrée à l’Office National de la Chasse et de la Faune sauvage. Je m’étais rapproché de ma passion mais je n’avais pas encore atteint mon but : travailler dans un Parc national ; ce qui m’a été possible en 2002.

Depuis, je suis chef de secteur sur l’île de Port-Cros. Dans le cadre de ma fonction, en effectuant une VAE et une reprise d’études, j’ai obtenu un Master 2 « expertise et gestion du Littoral » passé à l’Université de Brest, et je reste « accroché » à mon magnifique rocher méditerranéen.

Depuis combien de temps faites-vous ce travail ?

Si je compte les années travaillées pour l’Environnement, 12 ans à l’ONCFS et 14 ans au Parc national de Port-Cros.

Quelle(s) partie(s) de votre travail préférez-vous ?

Comme beaucoup de mes collègues, mes préférences en matière de missions s’orientent sur le suivi des espèces, en plongée pour les poissons et les gorgones, sur mer pour les rorquals, dauphins et cachalots et sur terre pour les oiseaux et bien sûr, les missions de veille écologique lors des tournées en mer et à terre où à tout instant j’admire les beautés de cette île isolée et sereine en hiver au large d’une côte qui trépigne toute l’année.

Quelle est l’anecdote qui retrace le moment le plus fou/dangereux/drôle que vous ayez vécu dans l’exercice de vos fonctions ?

Le moment le plus dangereux : la recherche de matériel de plongée sur demande de la Police Nationale après un accident mortel sur la Gabinière, alors que les conditions de mer étaient très mauvaises (creux de plus de 1,50 m, vent de 7 beaufort, courant très fort).
L’anecdote la plus drôle, elles sont nombreuses surtout lorsque vous accueillez un public de masse qui cherche le petit train qui dessert la plage du Sud ; qui se baigne nu comme un ver et qui demande à être secouru à moins de 200 mètres de la plage car il s’est « perdu » sur la côte et ne sait plus s’orienter, le visiteur à qui vous interdisez de donner du pain aux poissons et qui vous rétorque « mais comment font-ils pour se nourrir seuls ? »…

Quel est le moment le plus mémorable ?

Les moments mémorables qui me parviennent sont issus des nombreux secours aux personnes que nous effectuons toute l’année sur l’île, lorsque l’adrénaline vous fait bondir, convaincu d’effectuer une mission d’urgence et vitale pour autrui et que lorsque vous avez sauvé la vie ou aidé quelqu’un en danger on vous remercie.
Sinon, je garde en mémoire les instants forts des beautés de la Nature, ce cachalot qui durant 40 minutes bondit hors de l’eau, tape avec ses nageoires la surface de l’eau avant de « sonder » et disparaître dans les profondeurs du canyon des Stoechades, ces moments magiques où une famille de globicéphales (dauphin de haute mer) s’approche de notre embarcation et dont les mères collées aux plus jeunes viennent vous observer dans un concert de petits cris stridents, avec l’air de dire « vois- tu ces bêtes là, méfie toi d’eux même lorsque tu joue dans la vague d’étrave du bateau », cette baleine (rorqual commun) qui entre dans le port de Port-Cros, dans 10 mètres d’eau et qui pousse son petit à en sortir car il s’est aventuré trop près des bateaux amarrés, les plongées sous-marines dans des nuées de mérous, dentis, castagnoles et multitudes d’autres poissons, le chant de l’engoulevent à la tombée de la nuit dans une brise rafraîchissante en été, le chant troublant des puffins de méditerranée (puffins yelkouans) dans la nuit et bien sûr le souvenir de ces nombreuses soirées d’été où toute l’équipe autour de quelques verres et de plats originaux fête la joie de travailler ensemble.

Pourquoi est-ce que votre travail est important à vos yeux ?

C’est un travail sans aucun but mercantile (ce qui est assez rare dans notre société de consumérisme), un travail de Service Public, dans l’intérêt du bien le plus précieux pour l’humanité : la Nature et ses composantes patrimoniales… J’y joue un rôle infiniment petit mais utile, un métier passion, avec ses plus beaux côtés (la Nature) et ses inconvénients, notamment lorsque vous effectuez vos missions de police et que vous êtes mal perçu dans votre rôle.